Un jour nouveau s’est levé.
Le feu qui la veille teintait d’orangé
les étoiles, venues bercer les deux corps endormis
rendait son dernier soupir.
Il n’était plus que cendres blanches.Sous un long voile, la femme a ceint
ses lourds cheveux noirs.
Elle se lève, plie en quatre la couverture de laine
et contemple l’horizon, s’étendant à perte de vue.Débute sa longue marche.
Elle porte une large robe couleur diaphane
Son corps élancé s’avance silencieux.Pas à pas ses pieds nus
soulèvent la poussière jaune,
de sa propre terre devenue aride.
Le regard perdu à l’intérieur d’elle-même,
La femme ne sait ni sa force, ni sa beauté.Depuis des éons elle marche ainsi,
Tantôt trébuchante sur la cime des cieux
tenant par la main un bien précieux
une enfant de quatre ans.C’est ainsi qu’elles avancent courageuses
dans cette vie qui leur fut donnée.
L’enfant pose un regard lointain devant elle,
chaque nuances irisées de ses yeux
portent en elle l’âme de l'âme de ses ancêtres.Comme un joyau dans son écrin,
elle garde précieusement sa main
dans celle de la femme
Elles marchent… longtemps.Voici que l’enfant s’arrête,
elle voudrait que quelqu’un entende ses pleurs,
elle voudrait dire combien elle est lasse,
fatiguée, de marcher ainsi depuis si longtemps.S’agenouillant face à elle, dans un sourire,
la femme entoure de ses deux mains,
le visage rond de l’enfant.
Inspirant profondément,
elle souffle sur les grands yeux,
souffle sur les joues, souffle sur la bouche.L’enfant a clos ses paupières et en un instant
se laisse envahir par le vent, qui soudain s’est levé.
De sa bouche, comme sorti des entrailles de la terre
jaillit un chant, vibrant, profond,
un chant lumineux et sauvage.Brusquement la nuit tombe.
Un lourd silence se fait entendre.
Entre flux et influx,
dans un dernier soubresaut, l’enfant naît,
nue dans un nouveau monde.Vivante, par ce chant que lui offre sa mère,
par ce chant que lui offre la terre,
elle est devenue, dans le grand cycle de la vie,
le point d’émergence de deux mondes,
le point central d’où naît toute vie.
Le centre du cœur d’où poindra l’humanité nouvelle.Lorsque l’enfant ouvre ses yeux
elle est devenue femme, et trouve à ses pieds un long voile.
Le tirant vers elle, d’un geste rond elle efface la nuit.
Alors apparaît le soleil
qui nourrira son corps devenu lumière.Elle sait maintenant que sa marche ne fut pas vaine,
Elle sait maintenant qu’elle porte en elle
les noces, du ciel et de la terre
dans le miracle de la grande Vie,
par ce chant qui lui offre la vie.
© – Hayet Ayad